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En direct de l'apocalypse
Nous y voilà !
Je suis piégée chez moi par le déluge depuis que je suis rentrée du boulot. Ce matin le gouverneur avait une réunion avec NVE, ceux qui sont chargés d'évaluer les risques divers et variés et ils ont décidé d'évacuer une partie de la ville, d'y interdire l'accès et de couper certaines routes. Simple précaution ou réel danger, c'est en fait difficile de savoir puisqu'on se retrouve dans une situation qui n'a jamais existé avant: une couche superficielle de plus d'un mètre qui a dégelé, un sol déjà pas mal gorgé d'eau et des précipitations très abondantes pour ici... on ne sait pas trop ce que ça peut donner... et le vent n'arrange certainement pas les choses même si on n'a pas trop à se plaindre : le plus gros nous a contourné.
Une fois de plus, je suis dans la zone "safe" et j'échappe à l'évacuation qui devrait être de courte durée, sans doute jusqu'à demain midi. 140 personnes ont été évacuées et pour les plus malchanceux, c'est leur 3e évacuation depuis le mois de décembre après l'avalanche.
Ils ont aussi coupé la route menant à Bjørndalen, après l'aéroport et la route dans la vallée menant à la mine 7. Notre terrain de jeu a donc été réduit au minimum... Les avions ont atterri normalement parce qu'il y avait du vent mais sans plus (on a échappé au pire, ça nous a contourné... certains coins de Svalbard s'en sont pris plein la tronche... encore qu'il n'y a pas beaucoup de tronches à rencontrer en dehors de Longyearbyen et Barentsburg).
De gros efforts ont été faits côté information avec des messages qui ont ponctués la journée, en norvégien puis en anglais, histoire d'avoir l'impression qu'on fasse quelque chose alors qu'on est cloîtré ! La Croix Rouge est en alerte au cas où. Ce qui est étrange, c'est qu'on ne se rend pas compte de ce qui se passe vu qu'il fait nuit... j'espère que nous aurons une éclaircie en milieu de journée avant le 11 et le début de la nuit totale pour qu'on puisse observer les alentours. Mais quand j'ai pris mon raccourci pour revenir du boulot avant même que les choses sérieuses ne commencent, c'était déjà bien marécageux.
Pour couronner le tout, on a eu droit à un bulletin d'alerte avalanche niveau 4 au dessus de 600 m (en dessous ça ne risque pas puisque ce n'est pas de la neige mais de la pluie)... comme si quelqu'un pouvait avoir l'idée saugrenue d'aller se faire une randonnée en montagne par le temps qu'il fait ! Encore qu'avec les norvégiens, faut être prêt à tout : j'en ai vu un faire son footing sous la pluie battante !! Bon, 600 m, ça restreint quand même pas mal : on n'a pas tant de sommets plus hauts que ça accessibles en ce moment, Trollsteinen, Nordenskiöldstoppen... comme de toute façon pour les atteindre il faut traverser la zone interdite, ça paraît peu réaliste.
Le plus gros de la pluie était attendue cette nuit, avec une apogée vers 21h et les choses devraient se calmer vers 1h du mat... ça va être intéressant de voir combien de flotte on s'est pris dans notre "désert" !
Une pensée pour les pauvres policiers qui doivent faire des patrouilles et veiller sur nous... j'espère qu'il peuvent rester dans leur véhicule, au sec.
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Commentaires
Il semble que la pluie soit la chose la mieux partagée en ce moment. Ici au Pays Basque, il tombe des trombes d'eau depuis samedi et ça se rafraîchit après un mois d'octobre estival!
Il y a même eu des glissements de terrain à Saint Jean de Luz l'hiver dernier.
Mais rien de comparable avec le Svabard, bien que les phénomènes extrêmes soient de plus en plus courants.
Ici pas de permafrost...et seulement des ours des Pyrénées!
Une question: comment se fait-il que des constructions aient été édifiées en zone dangereuse? J'imagine que des études de sol ont été faites?? Ou bien la culture pionnière passe par dessus tout ça...
J'ai cru comprendre qu'il avait neigé en Ile de France... le monde à l'envers !! Il a neigé en Norvège, du -30 à l'intérieur des terres.
Pour les constructions, c'est un peu compliqué. Pour certains quartiers, comme Nybyen, faut bien se dire que ce n'était sans doute pas construit pour durer, ce n'était pas une ville, juste des baraquements pour les mineurs tant que les mines voisines étaient en exploitation. A cette époque là, on ne devait pas trop se soucier de plans d'occupations des sols.
Ensuite la ville s'est déplacée et la partie principale est maintenant construite dans ce qui était le lit de la rivière. On manque de place pour construire et il y a des conflits d'intérêts notamment par rapport à la conservation du patrimoine historique. Quand les habitations ont été construites au pied de Sukkertoppen, on ne pensait pas que c'était une zone à risque (peut-être qu'on ne pensait pas tout court d'ailleurs). Où les choses se compliquent, c'est qu'il y a eu un rapport à la fin des années 80 disant que certaines des maisons pointues étaient dans une zone à risque (avalanche possible tous les 30 ans env) mais personne n'avait l'air d'y croire (un peu comme les changements climatiques), il y a eu une surveillance active pendant une période et puis c'est tombé dans l'oubli. La situation qu'on a actuellement, c'était totalement inconcevable jusqu'à ce que ça arrive, il n'y a pas de précédent et du coup, les experts ne savent pas trop comment le terrain peut réagir. Ils ont choisi la prudence en évacuant. Le gag, c'est qu'on attend un rapport qui sera la base d'un nouveau plan d'occupation des sols, mais c'est pas dit que le rapport soit valable pour une situation aussi extrême que celle qu'on a maintenant. On ne sait plus trop où construire mais la population prend plus de place (les gens ont/veulent des appartements plus grands, des maisons individuelles). Il faudrait déplacer toute la ville dans un autre coin en fait.