Je me rends compte que tout le monde n'a pas eu l'occasion d'entendre parler d'engelures, gelures, gangrènes et autres amputations liées aux dégâts dus au froid.

Je m'empresse donc de vous pondre un article sur le sujet, que j'ai classé dans "vie quotidienne" puisque mon quotidien est concerné depuis dimanche ! 

Je ne suis pas experte et j'ai en fait compris je mélangeais un peu les termes d'engelures et gelures qui ne correspondent pas à la même chose, en tout cas pas la même gravité.

Voici ce qu'il ressort de mes recherches sur internet donc à prendre avec des pincettes (ça rime). Si j'ai bien compris, on parle d'engelure quand le phénomène est superficiel : grossièrement, sous l'effet du froid une partie du corps blanchît et il suffit de réchauffer la partie concernée pour que les choses rentrent dans l'ordre. Cela n'empêche que même des engelures peuvent entraîner une hypersensibilité au froid dans l'avenir.

Si la partie du corps touchée n'est pas réchauffée assez rapidement, le phénomène s'aggrave et on parle de gelure. Le sang commence à geler : il se forme des cristaux de glace dans les vaisseaux sanguins, il ne faut alors surtout pas frotter sous peine de déplacer les cristaux de glace vers un nouvel endroit et ainsi d'étendre la zone concernée. Les gelures concernent les parties du corps les plus exposées au froid et/ou les extrémités : les oreilles, les doigts, les doigts de pieds, le nez, les joues.

En ce qui concerne les mains et les pieds, quand le corps commence à ressentir un froid intense au niveau des chevilles et/ou des poignets, le cerveau, le coeur et les organes centraux vont être rendus prioritaires du point de vue de l'irrigation sanguine et le sang ne va plus être envoyé vers les extrémités. Il y ainsi plusieurs stades dans les gelures, selon que seule la 1ère phalange, les 2 premières phalanges... sont concernées. Plus la zone touchée gagne en profondeur, plus ça devient grave.

source http://www.portailvasculaire.fr/sites/default/files/docs/lmv21_dossierfmc_acrosyndrome_de_l_extreme_les_gelures.pdf

Les zones touchées peuvent mourir par la suite, mais ce qui est fun c'est que, contrairement aux brûlures de "type chaud", on ne sait pas tout de suite l'ampleur du désastre, il peut falloir des semaines voire 6 mois pour être sûr de l'étendue des dégâts. Les parties qui meurent noircissent et tombent d'elles-mêmes, on ne procède donc plus maintenant à des amputations avant de voir ce qui est vraiment foutu. Il faut juste éviter une septicémie pour les cas très graves.

Allons-y pour les photos choc, genre Paris Match  Ames sensibles s'abstenir et je rassure tout le monde, je ne suis pas à ce stade ! rlp vous a donné un avant-goût si vous avez vu passer son commentaire.

Tant que les parties touchées sont exposées au froid, elles sont en général blanches, dures, insensibles. Dès qu'on réchauffe, les choses changent d'aspect avec en général un gonflement et de fortes douleurs.

Quand la gravité augmente, apparaissent des ampoules remplies transparentes ou remplies de sang, 

attention le plus terrible arrive :

Que faire ??

En fait, il n'y a pas grand chose à faire sauf en préventif. Une fois qu'il y a eu gelure, il faut juste limiter les dégâts : réchauffer le plus vite possible à condition d'être sûr que la partie touchée ne va pas être réexposée au froid (il ne faut donc pas réchauffer avant d'avoir transporté la personne à l'hôpital par ex), donner quelque chose contre la douleur, donner des antibiotiques si risque de septicémie et sinon, il faut juste attendre de voir l'évolution.

Au niveau du visage, cela reste en général superficiel mais ça arrive vite quand il y a du vent. La gelure ressemble après quelques jours à une trace de brûlure.

A ne pas prendre à la légère donc... bienvenue dans l'arctique ! 

Et la Sophie dans tout ça (pour faire plaisir à rlp)... je dirais qu'à l'aspect, ce n'est pas très inquiétant. J'ai repéré tout de suite un gonflement anormal sous le gros orteil droit, il s'est avéré qu'il y en avait aussi un sous l'autre gros orteil mais moindre. Je me demande si tous les orteils n'ont pas un peu gonflé mais c'est difficile à dire, je ne passe pas mon temps à me regarder les orteils. Je ne sais pas trop quel est leur état normal. C'est plus la sensation qui est bizarre avec une sorte d'engourdissement et par moments des picotements. Ça gratouillait aussi cette nuit pour la 1ere fois, ce qui n'est pas forcément mauvais signe, au contraire : les nerfs qui reprennent du poil de la bête sans doute. Pour l'instant, pas de zones bleues 

(la corne sous les pieds, c'est un autre problème  ,... dû à la sécheresse) 

photos prises après 3 jours environ

Encore de superbes lumières ce matin au réveil et je ne me lasse pas de voir la lune faire mumuse avec Hiorthfjellet

Il faut en profiter tant que ça dure parce qu'on vient de recevoir une nouvelle mise en garde du Sysselmann : un gros mauvais temps (quand un norvégien parle de mauvais temps, faut s'attendre au pire) est en route vers nous avec des moments où ça devrait souffler en tempête dans la nuit de samedi à dimanche et dimanche dans la journée. Du coup, je travaille dimanche en espérant que ce soit plus facile d'atteindre le musée que la dernière fois... tant qu'à être privée de promenade à cause de mes orteils, autant gagner un peu d'argent. Et puis, si le vent souffle il risque de refaire froid chez moi : autant aller se mettre au chaud au musée !

C'est surtout sur la côte ouest que ça va brasser... côté est, beaucoup de précipitations à prévoir... c'est pas un jour à faire un trip sur la côte est 

Le jour commence à se lever avant moi et le soleil fait joujou avec les sommets des montagnes en face de chez moi en milieu de matinée... On retrouve peu à peu un monde multicolore et la lumière change si vite que je ne me lasse pas d'admirer la vue de ma fenêtre moi qui suis coincée à la maison avec mes orteils destroy.  C'était bien tentant pourtant d'aller prendre des photos en bord de fjord, histoire de se débarrasser du 1er plan qui gâche la vue.... plutôt que de faire des recadrages étranges 

et comme la lumière change vite, je sens que vous allez en "bouffer" des photos de Hiorthfjellet 

Comme je finissais à 18h, le temps que je rentre à la maison il n'y avait guère plus de lumière sur "mes" montagnes (mais il y avait encore un beau crépuscule vers le sud), vous avez donc échappé à une série supplémentaire de fin de journée !

A part ça, j'ai fait ma BA aujourd'hui : j'ai vu sur la page facebook du prof remarquable en Corée cette photo 

que je me suis empressée de publier aussi sur ma page facebook : ce groupe n'aura peut-être pas été le plus loin, mais je suis assez sûre qu'il aura été le plus au nord !

Et pour finir, mes "exploits" de samedi ont été immortalisés : il parait que je fais partie des petits points noirs sur la photo qui suit (pas les points noirs de votre écran, ceux qui sont à la verticale du sommet le plus blanc, un peu à gauche du milieu de la photo), alors que nous étions en route vers le 2e campement, celui des -35

phot Yann Rashid

En ce début de pleine saison motoneige (pour ceux qui n'ont pas les orteils gelés), alors que la glace n'est encore pas bien installée dans les fjords, il y a un service capital disponible en ligne : la carte montrant l'état de la glace de mer et surtout de la glace dans les fjords. 

Cette carte repose sur des modèles et des images satellites et est mise à jour tous les jours à 15 h (si tout va bien)...

Voilà à quoi ça ressemblait hier :

et en zoomant sur la partie qui nous concerne :

A part que quand j'ai vu la carte, j'ai été assez étonnée... à peu près à la même heure, je pouvais admirer le fjord de chez moi et la glace dérivante dense représentée en orange censée être présente ressemblait plutôt à ça :

Un peu de glace sur le pourtour du fjord mais sinon, c'est bien dégagé... ce qui est une bonne nouvelle pour le bateau cargo qui doit venir vendredi si tout va bien... pour être honnête,j'ai pris la photo ce matin mais ça ressemblait déjà à ça hier après-midi. Je crois qu'il vaut donc mieux prendre avec des pincettes la fameuse carte avant de se lancer à l'aventure 

La carte d'aujourd'hui a l'air de coller un peu plus à la réalité :

on voit bien que la glace n'encombre pas notre petit bras de fjord indiqué par la flèche... par contre, sur la côte ouest, beaucoup beaucoup de glace compacte en rouge : on comprend bien pourquoi la côte est est le paradis des ours l'hiver. De la bonne glace bien solide (en gris) aussi dans Tempelfjorden (le fjord où le Noorderlicht a pris ses quartiers) et Billefjorden, le fjord de Pyramiden.... c'est une bonne nouvelles pour le tourisme.

Comment expliquer la boulette d'hier ? un stagiaire ? un problème informatique ?? En tout cas, ça montre aussi que la glace disparaît encore plus vite qu'elle n'apparaît et il est bon de s'en souvenir si on planifie un périple un peu long : c'est pas le tout d'arriver à traverser un fjord à l'aller... il faut encore arriver à le traverser au retour s'il n'y a pas un plan B.

C'est beau comme titre, non ?

Souvenez-vous... cet été, j'avais réussi à profiter d'un tour gratuit à bord du Lance, le bateau de recherche de l'institut polaire norvégien et on nous avait appris que ce bateau devait se laisser prendre dans les glaces pendant l'hiver (un peu comme le Fram en son temps, et Tara plus récemment) mais juste pour quelques mois et un peu au nord de Svalbard.

Eh bien, l'opération est en cours mais ils ont beaucoup de mal à rester dans la glace en fait.

Commençons par le commencement :

Le projet porte le nom de N-ICE2015 ou de façon plus complète Norwegian young sea ICE cruise. L'idée était de se faire prendre dans la glace le plus au nord possible et c'est un navire des gardes-côtes qui a escorté le LAnce et servi de brise-glace... mais ils ont finalement rencontré plus de glace que prévu et n'ont pu prendre position qu'à environ 82°N.

Une fois le bateau en place, les chercheurs ont installé leur matériel et divers instruments sur la glace autour du bateau et commencé leur boulot

La carte ci-dessous, volée sur le blog du projet (là), montre la trajectoire du bateau (on sent la prof de physique) d'abord en eaux libres puis prisonnier dans la glace... et on peut constater qu'il s'est un peu mis à tourner en rond

Sur le blog, ils racontent évidemment ce qu'ils font et ce qui se passent, avec l'incontournable 1ère visite d'ours, le 28 janvier

Photo: Olav Iversen / Norsk Polarinstitutt

les soucis techniques quand la température est descendue à -40 (mais ils ne dormaient pas sous la tente, eux...), quand ils ont voulu percer une piscine un trou trou dans la glace pour faire des prélèvements

Photo: Jago Wallenschus / Norsk Polarinstitutt

l'attaque par la tempête (celle qui est passée aussi chez moi dimanche 15 février) qui a obligé à bien arrimer tout le matériel

Photo: Norsk Polarinstitutt

les moments d'angoisse quand ils ont constaté qu'ils se rapprochaient de plus en plus du bord de la banquise et allaient donc bien être "recrachés"

mais finalement, la tempête les as "sauvés" et repoussés vers le nord

Photo: Paul Dodd / Norsk Polarinstitutt

Voilà à quoi ressemble l'organisation du site avec les instruments :

Notez la présence d'un endroit marqué "France" où l'équipe française IAOOS teste un nouvel instrument pour faire des profils océaniques et des bouées comme celles qui sont placées chaque année à la base provisoire de Barneo, près du pôle nord.

Pour ceux que ça intéresse, vous pouvez aller consulter le site français de l'équipe IAOOS, http://iaoos.ipev.fr/index.php?lang=fr

Lance a repris son chemin vers le sud après la tempête. Le but initial était de faire des mesures jusqu'à Pâques mais il risque de ressortir de la glace plus tôt que prévu.

Photo prise lors du changement d'équipe après 6 semaines de dérive, alors que la plaque de glace approchait dangereusement du bord de la banquise et commençait à se casser.

L'opération sera renouvelée l'an prochain.

Le but ?? oui, il y a un but : accumuler le plus de données possible sur l'état de la banquise et l'océan pour que les modèles utilisés pour prévoir à quoi ressemblera l'arctique dans le futur soient plus précis.